• C'est bien à l'école, notamment au collège et au lycée, lieux d'éclosion des adolescents, de l'affirmation d'une identité - ou d'un renoncement, que la violence peut naître.

     

    Si certains milieux familiaux sont propices à l'incompréhension de l'autre et de la communauté humaine, le collège, dans ses mimiques balbutiantes de vie en société, avec ses codes quasi-tribaux internes aux ados, la pression des règles de l'établissement, les exigences des adultes, la contradiction interne entre l'impérieux besoin d'appartenir à un groupe et l'impérieuse nécessité de revendiquer ses différences, sans toutefois être bien sûr(e) de la "légitimité" sociale de ces différences ... bref ! le collège, disais-je, peut faire péter les plombs à plus d'un, ici un prof, là un(e) élève. Nul besoin d'ajouter que le développement des réseaux sociaux et des téléphones portables a eu un sacré effet loupe pour certains, façon "je chope la lumière pour allumer le feu" ...

    La chanson ci-dessous date de 2008, je crois, et est signée par une collègue prof d'anglais comme moi. En voici le texte, où j'ai reconnu plusieurs élèves que nous avons eus toutes les deux, ou d'autres dont nous entendions parler, et qui fait aussi allusion à un gamin qui m'avait fait froid dans le dos en 5è il y a bien longtemps, en m'affirmant que plus tard, il voulait devenir militaire pour pouvoir tuer des gens. Il y a deux mois, ce gamin, devenu un adulte aux joues qui piquent, détendu et farceur, est revenu voir quelques anciens profs, dont moi - un choc et un soulagement :) Qu'est-ce qui avait changé le bonhomme depuis ? Ce fut quand les services sociaux accédèrent à sa propre demande d'être séparé de sa mère et de son beau-père et remis à son papa 20 km plus loin...

    Des élèves qui nous prennent par surprise un matin, une après-midi, au sortir d'une petite discussion, où soudain les larmes nous montent aux yeux, où notre cœur fait des ratés, où tout à coup les tracasseries administratives, les réformes vaniteuses et vides de sens, les injonctions ministérielles, l'exaspération face au manque d'ambition global de nos classes, le chefaillon du moment, n'ont plus ni importance ni force de loi.

    Le texte est un beau condensé de plusieurs "cas" que nous rencontrons chaque année. Depuis son écriture, la phobie scolaire est entrée dans les mœurs et l'on nous sollicite de plus en plus souvent pour aller donner des cours à des élèves chez eux... Cette année, j'ai encore mon "lot" de gamins malmenés, fracassés par leur famille, leurs camarades, leurs difficultés scolaires : la petite M. pour qui j'ai dû aller faire une déposition en gendarmerie ; le petit G. qui plane à 17 ou 18 de moyenne générale, souvent moqué par ses camarades à cause de son vocabulaire choisi et de ses centres d'intérêt, secoué de sanglots paniqués irrépressibles quand je lui ai mis une colle pour travail non fait ; le petit J., en grande difficulté mais vaillant petit soldat en classe, imperméable aux conneries de certains, grand sourire - et grosses larmes en réunion parents-profs tant il se sent amoindri, "pas comme les autres" ; L. qui passe des plombes à réparer son classeur, son stylo ou sa trousse, sort toujours en dernier de la classe pourtant sans avoir noté les devoirs, et commence à être complètement perdu, et dont on soupçonne en fait qu'il pourrait bien s'agir d'un EIP (élève intellectuellement précoce) totalement paumé dans notre système ...

    Bref

     

    Depuis tout petit, c'est dans ma nature
    D'être gentil ; si d'aventure
    Il y a du danger, je sais qu'il faut fuir
    Faut dire que ça dure,
    La boule dans le ventre
    Du réveil au portail, faut que je rentre
    Les yeux baissés
    Pour pas qu'ça leur chante de m'embêter
    Jusque dans les couloirs où je traîne,
    Que je hante pour éviter la récré

    Depuis tout petit, c'est dans ma famille
    On fait qu'à se traiter
    À partir en vrille
    Depuis tout petit, c'est dans mon futur
    Aussi sûr que c'est écrit dans les toilettes des filles
    Dans les toilettes des filles
    Dans les toilettes des filles
    Pas d'embuscade, de bousculade
    Dans les toilettes des filles

         Moi mes amis d'ailleurs, c'est plutôt des filles
         Laétitia, Mélanie, elles me trouvent marrant
         Elles me rhabillent, touchent mes cheveux
         Me parlent d'autres mecs, captifs
         ???
         ???
         T'as beau y réfléchir sous tous les angles, au problème
         Le stratagème, les bons mots, le stratagème, y'en n'a pas, y'en n'a pas

    C'est la faute à personne, c'est bien toi qui est pédé, pas un homme
    C'est la faute à personne, c'est bien toi qui est pédé, pas fini, pas un homme

    Parfois je rêve d'avoir un uniforme, avancer bien droit,
    Devenir, devenir, devenir para !

    Parfois j'en rêve (crève ?) d'avoir seulement le droit, le droit d'être moi
    Et je rêve de tirer juste une fois dans le tas !

     

    Delphine G-B

     

    Patienter, la chanson commence après 15 secondes

    Para from The Fish Eyes on Myspace.

     

    En transformant dans sa tête la boîte à rythme en de bonnes percussions, je trouve le morceau brillant - pas de schéma habituel couplet-refrain, mais un texte qui épouse la musique, ou inversement :)

     

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    20 décembre 2014 | Quitter l'enseignement ? | Commenter (3)Retour aux articles récents


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    En novembre, j'ai voulu cuisiner des épinards frais. J'ai passé commande à mon fournisseur préféré, La Ruche qui dit Oui, puis (noter l'enchaînement chronologique, hélas), toute excitée, suis allée voir comment qu'on fait des épinards.

    Didjou, y disaient tous qu'il fallait retirer la nervure centrale de chaque feuille, ça m'a un peu gonflée à l'avance, mais le désarroi me saisit tout à fait lorsque je vis le volume réel d'un malheureux kilo d'épinards frais ... un gros sac tout rond de 40 à 50 cm de diamètre, miseyre ! J'vous jure, le kilo de patates ou de carottes à éplucher, ou même de topinambours tiens, à côté, c'est de la ri-go-lade ! Du pissou de chaton, de la crottine de lapereau !

    Toujours optimiste - et décidément totalement définitivement incapable d'anticiper le temps que peut me prendre une activité, je m'attèle gaiement à la tâche, agréablement surprise par mon sens de l'organisation : un immense plat pour stocker les feuilles prêtes à cuire, un gros saladier pour mener au compost les nervures, une belle assiette plate et un couteau étincelant pour la chirurgie proprement dite, le tout savamment disposé sur la table basse du salon, les fesses bien calées dans le canapé.

    Une heure plus tard, je constate que l'immense plat déborde de vert brillant, que je dois aller au compost, que j'ai mal au dos et aux fesses en fait, que le sac d'épinards en attente n'est qu'à moitié vidé, et qu'il règne un silence de cathédrale horrible tandis que la besogne s'est transformée en pénitence aride.

    Fort bien ! Si c'est ça, autant s'amuser ! Je branche Anatole (c'est mon ordinateur) sur la télé, et me programme un streaming d'une série de SF en angliche, histoire d'entretenir mon américain déplorable et d'apprendre quelques mots tout en me délectant des malheurs de survivants à l'invasion d'aliens ou de zombies, je sais plus.

    Une heure plus tard, voilà, c'est fait ! Les survivants viennent de perdre une bataille (oh my god, des personnages importants viennent de disparaître de la série !) et moi, j'ai gagné la mienne !

    Croyais-je.

    Maintenant, et dans le but de congeler une grosse partie de mon travail, je dois :

    - blanchir les épinards dans de l'eau bouillante - les retirer de l'eau quand l'ébullition reprend

    - les plonger dans de l'eau très froide où j'aurai mis des glaçons, pour préserver leur belle couleur verte et leur texture

    - les essorer, mais pas sauvagement à la main, d'abord à l'essoreuse à salade, et ensuite en les disposant sur du papier absorbant

    - les ensacher pour congélation

    Je récapitule : déjà, là, après deux heures de boulot chiant comme la pluie (quoique, la pluie, surtout par ici, c'est souvent plus fun), j'ai deux immenses plats débordant de feuilles brillantes. J'ai sorti le gros faitout tout neuf avec lequel je comptais me mettre à faire des conserves stérilisées, volume de 11 litres. L'évier est rempli d'eau glacée, et des mètres carrés de Sopalin couvrent toutes les surfaces de la cuisine, au point que je pose les plats d'épinards ici sur la poubelle et là sur une chaise. J'ai pas encore commencé que c'est déjà le chantier !!

    J'allume le gaz et je vais voir si les zombies ou les aliens vont morfler à l'épisode suivant, radassée sur mon canapé (chuis épuisée oh!), en fumant une cigarette.

    ...

    ...

    Cinq clopes et demie plus tard, y'a pas, je suis confrontée à un gros souci. Dans le faitout, l'eau est chaude mais ne frémit même pas, tout juste si quelques minuscules pustules d'air se forment au fond. Nan mais, l'eau, quand tu la chauffes, ça bouille, non !?! Je me décide à appeler à l'aide un ingénieur de ma connaissance qui m'explique gentiment que rapport à la surface de chauffe et la puissance de mon feu, faut que j'enlève quelques litres d'eau pour espérer voir des bulles brûlantes se former !

    Peuchère, adieu mes conserves ?... Bon alors, ça veut dire qu'il va falloir procéder en plusieurs fois. Et les glaçons dans l'évier ont fondu, ouaiiiis ! OK, je me brûle à peine, hein, en retirant de l'eau avec une casserole (méfie-toi de l'eau qui ne bout pas, proverbe jonesien), et que je verse - si t'as pas deviné, tu me connais pas bien encore - dans l'évier plein d'eau froide...

    Trois jurons plus tard (si, si, seulement trois), ma première fournée d'épinards ébouillantés atterrit dans l'eau glacée de l'évier. Je saisis des paquets de matière molle, verte et spongieuse à pleines mains et presse doucement, puis les verse dans l'essoreuse à salade, retire ensuite les morceaux écharpés par cette dernière, tout collés partout pour les mettre sur le papier absorbant, d'où j'aurai bien du mal à récupérer toute la production (car oui ! à ce stade, je considère que je fabrique mes épinards à la chaîne), mais ça va, j'ai des ongles...

    Je glisse une première fournée dans un sac de congélation, en me lançant un défi perso : J'suis sûre que rien qu'à l'œil, tu mets environ 200 grammes dans ce sachet, banzaï !
    J'ai jamais pu peser. Ma balance venait de passer un mois sous un kilo de patates, et sans doute que la protubérance (un germe, quoi) de l'une d'entre elles a appuyé sur le bouton "on" indéfiniment, jusqu'à épuisement de la pile, qui bien sûr est minuscule, ronde et plate, le genre de piles que tu n'as jamais chez toi en dépannage.

    Nan, c'est pas là que je me suis dit "Il est vraiment tout pourri ce samedi".

    C'est quand après avoir tout rangé, nettoyé, essuyé, composté, congelé, j'ai réalisé que :

    - il était quelque chose comme 4 heures de l'après-midi

    - j'avais faim

    - je n'avais rien à manger

     

     

    Je vous aurais bien fait un "pas-à-pas" en photos façon marmiton.org, mais c'est un peu comme l'histoire de la soupe à la citrouille et aux châtaignes, hors de question de bousiller mon Reflex lors d'une expérience culinaire quelque peu aventureuse !

     

     

    12 décembre 2014 | Gaffes, bévues... | Commenter (10)Retour aux articles récents


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