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    Quand j’ai la pêche, de l’énergie à revendre, en classe, ça dépote. Je ne cesse de glousser, j’ai un sourire-banane dès que l’occasion se présente, je ne les lâche pas d’une semelle, j’invente des trucs en cours de route, des dizaines d’idées m’assaillent. Et sans que ça parte dans tous les sens (la description ci-dessus pourrait le laisser craindre), on s’amuse.
    Le retour est immédiat. Des élèves qui sourient pendant une explication de grammaire sur le présent simple ; d’autres qui viennent me voir en fin d’heure pour me dire combien ils sont contents d’avoir une prof qui s’amuse dans son métier et les amuse du même coup en apprenant; des élèves qui se laissent aller à des jeux de mots ou de la fantaisie pendant le cours …

    C’est chiant … C’est pas racontable du tout, en fait! Un jour, il faudrait que l’on se fasse filmer pendant que j’explique le présent simple, la prononciation de la terminaison en -ed du prétérit (séance d’abdominaux), que je donne des astuces de traduction … Je fonctionne beaucoup avec le visuel et le corps.

    Bon, je vais essayer.

    Par exemple, pour expliquer que le présent simple (par opposition au présent en BE+V-ing) s’utilise pour parler de « généralités », de choses qui se vérifient, se voient, se vivent dans un temps étiré et indéterminé, j’écarte les bras pour figurer la ligne du temps. Mon bras droit figure le passé, ma tronche représente le présent immédiat, et mon bras gauche le futur. J’explique que le verbe LOVE ne peut s’utiliser qu’au présent simple (à de rares exceptions près) parce que je LOVE le chocolat depuis qu’on nous a présentés (je remue la main droite et rajoute à voix basse : « Le coup de foudre!! »), que c’est toujours vrai au moment où je parle, là … (et je mets la tranche de ma main devant la bouche en parlant), et que ce sera vrai encore longtemps (je remue les doigts de la main gauche en expliquant que seule une crise de foie aiguë pourrait mettre un terme à cette passion). Puis j’effectue un mouvement de balancier avec les deux bras pour montrer que ce « présent » est très « large ». Je refais la zouave avec des exemples comme « Le soleil se lève à l’Est », « Les Français mangent des escargots », « En période scolaire, je me lève à 6h30 tous les matins » etc … Ma ligne du temps va ainsi de quelques mois à plusieurs milliards d’années (mais je n’ai pas le bras long pour autant).

    the giggling teacher *

    Par exemple, pour qu’ils se souviennent de répondre correctement aux « Yes-No questions » (les anglophones ne se contentent pas de dire « Yes » ou « No », ils reprennent le sujet et l’auxiliaire, galère), j’écarte (encore) les bras. Tout en prononçant un beau « Has your mother got blue eyes? », ma main droite en l’air effectue des rotations comme si je tenais un objet rond. Et tandis que je donne la réponse : « Yes, she has« , ma main gauche fait mine de « piquer » le « has » et de le ramener à gauche, en l’air. Et je conclue avec les deux mains arrondies en l’air en répétant : « Has / has ». Et je continue avec des « Can » et des « Do » et des « Will » … J'me fais l'effet d'une GO au Club Med ...

    Par exemple, pour qu’ils mémorisent le mot « spring » (printemps / mot anglais qu’ils ont tendance à oublier le plus dans les 4 saisons), je leur raconte que ce mot a différentes significations. En tant que verbe, il veut dire « sauter, jaillir » et j’illustre avec un sonore « zboiiing » tout en sautillant dans la classe. En tant que nom, il peut vouloir dire « source » (zboiing et petits sautillements), mais aussi « ressort de matelas » (zboiing et petits sauts de la main). Puis je leur demande pourquoi il s’utilise pour désigner le printemps. Hey … ça ne prend pas trois dizièmes de seconde ; les réponses fusent : les fleurs jaillissent, les arbres se couvrent de vert, on a envie de sauter partout, zboiing, zboiiing, zboiiing!!! Là, j'ai carrément l'impression de sortir tout droit des "Bronzés" ...

    J'ai souvenir d'une heure particulièrement délicieuse il y a quelques mois, sans démonstrations corporelles particulières, avec des 4è. Entre jeux de mots rigolos impliquant les deux langues, fantaisies vocales d’un élève, réparties cinglantes de ma part, attaques en piqué sur l’auxiliaire DID, début de fou rire suite à une tentative d’humour d’une élève (qui a été la première à rire de sa blague vaseuse), et un exercice de traduction qui marchait de mieux en mieux, je suis ressortie toute joyeuse et sautillante.

    zboiiing zboiiing

    Aucune étude scientifique sérieuse n’ayant jamais été menée, et parce que mon manque naturel de confiance en moi me force à la modestie, je ne suis pas en mesure de dire si mes « méthodes » fonctionnent mieux que d’autres.
    A mon avis, non, et les évaluations le montrent.
    En revanche … je m’amuse quand je travaille, et la plupart des gamins aussi.

    Je dis « la plupart », parce que ... on ne peut pas plaire à tout le monde.

     

    * la prof qui glousse

     

     

    9 décembre 2012 | Quitter l'enseignement ? | Commenter


    4 commentaires
  • Tentons de dresser un auto-portrait de la prof que je crois être.

    J'hésite ...

    Je vous la fais autobiographique?

    Ouais, je vous la fais comme ça, ça peut être amusant - ou pas!

    Déjà, comment suis-je arrivée dans ce métier?

    C'est à se demander...

    Petite j'ai dû vouloir être "maîtresse" au milieu de quarante mille autres idées (bonne soeur, par exemple / patronne d'un resto qui s'appellerait "La Bonne Bouffe" avec des poulets rôtis à la place des "O" sur mon enseigne / star de cinéma / speakerine / chauffeur routier / infirmière, bien sûr / coiffeuse très probablement ...)
    A l'école, du CP à la Terminale, les profs ne m'intéressaient absolument pas, je m'en fichais comme de mes premières couches, l'indifférence totale. Sans compter que je n'étais pas facile; une vraie petite morveuse comme je déteste en avoir en classe, insolente avec de bons résultats, qui n'en fait qu'à sa tête. En 5ème (tiens donc) j'ai sans doute passé le quart des heures de français dans le couloir - virée - pour de sombres histoires de chewing-gum, par exemple. Les camarades m'avaient promis un fauteuil ...
    Appréciations ici et là sur les bulletins? bavardages / quelle insolence! / gâche ses possibilités par un comportement perturbateur / élève douée mais caractérielle ....

    J'aimais aller à l'école, c'est indéniable, mais je m'ennuyais vite en classe. (nan, nan, pas syndrome enfant surdouée, hélas, c'est là qu'est l'os). Je pense que c'est vrai que j'apprenais vite, parce que j'adorais apprendre, alors je n'écoutais plus, ce qui m'a quand même joué des tours...(passer de 19 de moyenne en maths en 4è à 0,5 en Terminale, ça doit bien venir de quelque part...). J'aimais apprendre des trucs par cœur et les réciter à mes parents. J'aimais ramener des bonnes notes et en primaire, on nous classait tous les deux mois, je me souviens encore de l'émotion et de l'adrénaline quand je me suis vue 3è (sur les marches du podium!!! ça n'a pas duré)

    Les quelques profs dont je me souviens ... ce n'est pas en bien pour leur pomme, sachez-le.
    # La prof d'allemand qui ne se changeait jamais, trimballait des trognons de pomme dans son cartable et ne nous regardait jamais parce qu'elle avait la trouille ..
    * Le prof d'histoire qui avait sa salle au rez-de-chaussée à vie après avoir tenté de passer plusieurs élèves par la fenêtre (j'ai jamais fait ma morveuse avec lui, vous m'direz) ...
    # Le prof de sport en survêtement dégueulasse, pas rasé, amorphe sur le bord du terrain à nous gueuler dessus en crachant son énième Gauloise Maïs du cours ...
    * Le prof d'EMT qui portait le nom d'un oiseau et qui m'avait "mis un mot" sur le carnet en 5ème : "Pousse des cris d'oiseaux en classe" sans se rendre compte du comique de la chose (et sachez qu'en l'occurrence, je ne visais pas mon prof, je faisais la "cocotte" pour faire rire les copains, en vrai il était bien ce prof) ... ah la la ...

    Ce qui est moyennement rigolo, c'est qu'il en existe toujours, des profs comme ça, j'en ai rencontré hélas... Je me suis même montrée, à deux ou trois reprises, assez méchante. Je ne m'en vanterai pas ...
    Les autres souvenirs sont flous, fugaces ... le temps de déposer un sentiment terne ... terne ... que c'était terne! ... Le seul prof dont je me souvienne avec affection, c'est mon prof ... d'anglais de Terminale : un mec génial, dynamique, exigeant, assez distant mais attentif.

    A part ça, je vois pas très bien d'où ça m'est venu, cette affaire de "faire la prof".

    Bon, j'avoue, j'ai le souvenir d'un été à Quiberon chez des amis de mes parents où je faisais (imposais) la classe à mon frère et son copain.

    Bon, j'avoue, quand je sais quelque chose, je veux que tout le monde en profite.

    Plusieurs méthodes :
    * la prise de parole en continu lors des dîners en famille (je pense que c'est là que je suis la plus insupportable, parce que ça cause beaucoup dans ma famille, et que ... comment dire ... faut même me regarder dans les yeux quand je parle, ouais, je peux être assez totalitaire, mais je me suis drôlement améliorée...) ,
    * la vulgarisation de certaines connaissances par le biais du mime - sonore, le mime, rêvez pas, je sais pas me taire - histoire de faire passer mon message clairement (des copains se souviennent sans doute de mes explications sur les petites "bébêtes" (les enzymes, je crois) forcées de faire un boulot inutile quand on prend de l'aspartam - A BAS L'ASPARTAM et tous ses dérivés!!) , euh ...
    * les explications passionnées aux enfants et aux ados à propos des étoiles, des planètes ...

    Bon, j'avoue, j'aime également me faire clairement comprendre, donc je synthétise dans ma tête, je me mets à la place de l'autre en partant du principe qu'il ne sait pas de quoi je parle (cela me met parfois dans des situations délicates, quand même, ça a un petit côté "j'me la pète, prout, prout" involontaire mais certainement insupportable!) ... Maintenant que j'y pense, j'avais comme une déformation professionnelle avant même d'envisager ce métier...

     

     

     10 novembre 2012 | Quitter l'enseignement ? | Commenter (5)


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