• Privé / Public

     

    Nan nan, il n'est pas question d'évoquer ici l'éternel affrontement entre travailleurs du public et ceux du privé, ni même de parler de l'éducation dans le privé versus l'école publique.

    C'est en fait un sujet privé que je vais aborder ici en public, une seule et unique fois.

    Il est important que je l'aborde pour mieux comprendre la suite des articles que je publierai concernant mon cheminement vers la sortie de l'enseignement.

    Vendredi 4 décembre, j'ai donc rencontré le médecin de prévention, qui m'a rapidement et vivement conseillé de demander un Congé Longue Maladie, mais aussi de rencontrer un médecin psychiatre. Pas de diagnostic formel pour l'heure, et j'avoue qu'il m'est difficile de prononcer moi-même le mot "dépression", mais il est clair que je traverse un épisode dépressif majeur, lié partiellement à mon métier. J'ai un peu de mal, car j'ai encore une certaine énergie qui me paraît contradictoire avec l'image que l'on a de cette maladie. Mais je reconnais par ailleurs sans difficultés un certain nombre de symptômes : disons que je ne suis ni dans une infinie tristesse, ni à broyer des idées noires. En revanche, je suis agitée, très, en colère, et je trimballe des troubles du sommeil et de l'alimentation depuis un bon bout. Je n'ai plus le goût à grand chose non plus, depuis un bout aussi, et je souffre de ce que les médecins appellent un "ralentissement psychomoteur" (incapacité, par exemple, à faire des choses assez simples pourtant, comme le ménage, ou à prendre des initiatives relativement anodines).

    Bref ! Je ne rentrerai pas davantage dans les détails, c'est déjà bien suffisant.

    Mais pour ceux qui souhaitent suivre mes "aventures" de prof qui ne veut plus l'être, c'est important de savoir que ce parcours est en train de prendre une dimension médicale - il ne peut donc être vu comme un parcours "idéal" et objectif. Certains de mes choix, des obstacles que je vais rencontrer, des tournures que prendra ce chemin, seront en fait le résultat d'un dossier médical suivi, et pas juste de ma capacité à faire avec les outils qui existent (congé de formation, mise en disponibilité, enseigner à mi-temps, mener de front enseignement et préparation à des concours).

    Justement, parlons-en !

    Quelles sont les options pour un prof qui ne veut plus l'être ?

    - demander un congé de formation : selon les académies, les besoins, il peut être obtenu assez vite, ou pas. Me concernant, il faudrait que je le demande cette année (pour la 1ère fois) en espérant l'obtenir d'ici 10 ans minimum. Hors de question.
    [Le congé formation sur un an implique de toucher environ 80% de son salaire et de devoir encore 3 ans à l'Éducation Nationale ensuite, ou tout du moins à la Fonction Publique]

    Le mammouth dégraissé a besoin de vous !

    - demander une disponibilité pour raisons personnelles : elle est généralement accordée, mais apparemment avec quelques difficultés ces dernières années (bé oui, le bateau EN fuit de partout). Sans salaire, bien sûr, donc inenvisageable pour moi.

    - travailler à mi-temps pour dégager du temps libre à consacrer à une formation (par correspondance, en cours du soir, ou s'il s'agit d'un concours interne à mon ministère, sur des journées définies par le Plan Académique de Formation ; par exemple, je pourrais préparer l'agrégation interne d'Anglais en suivant les cours proposés tous les samedis à Montpellier).
    Une fois de plus, l'aspect financier (toucher la moitié de mon salaire) élimine immédiatement cette possibilité. Et puis, je serais encore en classe la moitié du temps, à faire ce que je n'ai plus envie de faire (je suis même en phase phobique actuellement).
    Et enfin, cela peut être refusé par le chef d'établissement et/ou le rectorat, pour causes de contingences matérielles.

    - présenter sa démission. Cela suppose beaucoup de démarches dont je ne me sens pas la force pour l'instant : se préparer financièrement, envoyer des CV partout et avoir au moins une offre solide.

    - demander un détachement dans toute autre officine de la Fonction Publique. Il faut consulter toutes les offres sur la Bourse Interministérielle de l'Emploi et se manifester. Si l'on a une réponse favorable, il faut tout de même que l'Éducation Nationale donne son accord, et il peut arriver qu'elle refuse (je reparle du bateau qui fuit ?).
    J'ai consulté quelques centaines d'annonces et n'ai rien vu où je pouvais prétendre avoir les compétences, ou le désir. On recrute des chefs d'établissements (ouh la, pas envie du tout !), des directeurs de services culturels, des coordonnateurs de projets culturels, urbains, artistiques... J'ai juste relevé un poste d'enseignant d'Anglais à la base aérienne de Tours pour la rentrée 2016, mais enseigner à des pilotes... reste de l'enseignement...
    C'est réellement une voie qu'il me faudrait creuser, mais là, tout de suite, j'ai trop peu d'énergie.

    - faire le dos rond : effectuer mes heures en en souffrant, et consacrer le reste de mon temps libre à la préparation d'un ou plusieurs concours. Je l'ai vaguement tenté l'an dernier, échec cuisant.

    Toutes les autres options ne sont accessibles que dans le cadre d'un parcours médical.

    - CLM (Congé Longue Maladie) : permet d'abord et avant tout de se "réparer", de prendre soin de soi, afin d'entamer au mieux la reconversion ensuite, ou le retour en classe.
    Le CLM se demande sur des périodes de 3 ou 6 mois (mon médecin a directement demandé 6 mois), renouvelables jusque sur 3 ans. La première année, on conserve un salaire complet (sans les primes, bien sûr), et on passe à mi-traitement les 2 années suivantes.
    Le CLM ouvre droit à des demandes diverses :
    > le Poste Adapté (on vous place ailleurs qu'en classe, par exemple dans un CDI, un secrétariat, un bureau du rectorat, avec une formation...) qui peut conduire à un reclassement officiel.
    > On peut aussi demander ou se voir proposées des OBT (Occupations à But Thérapeutiques), quelques heures hebdomadaires à effectuer ailleurs qu'en classe, permettant de découvrir d'autres emplois possibles. Cela permet sans doute de ne pas tourner en rond à la maison, et de décider d'une formation à suivre pour obtenir un reclassement ensuite.
    > On peut également demander ou se voir proposer un MTT (Mi-Temps Thérapeutique) payé comme un temps plein, pour un an seulement.

    Il existe encore d'autres voies, mais j'ai la tête farcie depuis des semaines et n'ai pas encore tout débroussaillé.

     

    Voilà. Rédiger cet article m'a coûté, bien davantage que lorsque j'aborde d'autres sujets privés comme l'endométriose ou mes conneries à la Bridget Jones. Mais sans lui, je ne pouvais continuer mon projet de raconter ici mes "aventures" ; or, j'en ai envie et besoin - il me permet de prendre du recul, de clarifier mes propres pensées en devant clarifier pour vous les tenants et aboutissants d'un tel cheminement qui touche quelques milliers de profs chaque année.

    Sondage Juin 2014

    Je suis pour l'heure dans une sorte d'œil du cyclone - ce sera le thème de mon prochain article.

     

    Merci de m'avoir lue :)

     

     

    7 décembre 2015 | Quitter l'enseignement ? | Commenter (4)Retour aux articles récents


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  • Commentaires

    1
    Lundi 7 Décembre 2015 à 17:03

    Ouais tout ça pour justifier que tu fais plus le ménage, perso, je trouve ça un peu léger he

    2
    Lundi 7 Décembre 2015 à 23:19

    Vraiment complexe, tout ça. On dirait qu'il y a des chaînes dans tous les coins.

      • Mardi 8 Décembre 2015 à 12:10

        Ouiiii, c'est exactement ça ! Des chaînes lourdes, des cordelettes traîtresses, des liens, c'est horriiiiible ! beurk

    3
    Mercredi 9 Décembre 2015 à 00:25

    En relisant ton texte, je me rends compte qu'il est beaucoup question de salaire. Si tu désires changer d'emploi, le salaire ne sera pas le même : ou plus bas, ou plus haut. Plus bas, ça n'a guère d'importance. Le bonheur doit avoir le dessus sur le train de vie et ses habitudes. Il faut s'ajuster, modifier, juger ce qui peut disparaître.


    Quand je suis retourné aux études, en 1993, je sortais d'une décennie ou j'avais touché un salaire sans arrêt, dont ceux intéressants des emplois à la radio. Du jour au lendemain, ces revenus ont été coupés de moitié. Il y a des choses que je ne pouvais plus faire, comme acheter des disques chaque semaine, sortir quand bon me semblait. Le malaise a été de courte durée, car j'étais cent fois plus heureux à l'université.

      • Jeudi 10 Décembre 2015 à 21:50

        Je n'ai rien contre un peu de sobriété, de recyclage, d'inventivité et d'huile de coude, mais en l'occurrence, le problème ne va pas se poser en termes de "Je ne peux plus acheter un disque ou un livre", mais "Je ne peux pas m'acheter à manger"...

        Et ça commence fin janvier :) Eh oui, mes charges incompressibles (maison, impôts, assurances, électricité, internet/téléphone) représentent 75% de mon salaire, ce que je vais toucher à partir de fin janvier. Alors oui, je parle salaire, parce que je ne peux me permettre de me plomber le moral davantage en me mettant dans une situation financière très difficile - d'où l'idée d'une transition douce, via le Congé Longue Maladie (d'abord pour la reconnaissance de mes besoins de "soin" sans avoir à trop me préoccuper de ce que je mange le soir) puis un poste de documentaliste à l'Education Nationale, et enfin, quand le tourment sera passé (moins d'impôts dans... 2 ans !), envisager autre chose.

        Je réalise que beaucoup de choses nous sont proposées dans la fonction publique - je ne sais pas si c'est aussi "riche" dans le privé... Mais malgré tout, dans les 2 cas, on peut vite sombrer si on ne fait pas attention aux "dettes".

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